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« Un petit dernier pour la route ! Taux de phonologie et insécurité culturelle »

Bernard DEVANNE

Le 11 février dernier, Bernard Devanne réagissait, sur Café pédagogique, à la présentation des nouveaux programmes de l’école maternelle. Son titre « On a entendu les enseignants » reprenait la formule de « l’Expresso » du 6 février qui évoquait l’une des modifications remarquables apportées dans le texte soumis au Conseil supérieur de l’Éducation – et voté à l’unanimité –, la réintroduction à doses renforcées de l’analyse phonologique. Le texte qui suit est une version révisée et augmentée de sa précédente analyse.

Enseignants d’école maternelle et formateurs peuvent à nouveau dormir sur leurs deux oreilles : rien dans la version définitive des programmes de l’école maternelle, parue au JO du 12 mars 2015 [1], ne devrait modifier tant soit peu des pratiques d’approche de la langue écrite si bien rodées depuis des années. Si bien rodées ? Qu’on en juge : voici la partie didactique de l’un des trois sujets nationaux du concours de recrutement des PE en 2014...

« Vous analyserez une séance sur l’écriture inventée en grande section de maternelle en répondant aux questions suivantes à partir du document ci-dessous.

Questions :

1/ Quelles représentations des élèves sur l’écrit et l’acte d’écriture d’une part, quelles compétences scripturales d’autre part, ces cinq productions révèlent-elles ? [2]

2/ Quels intérêts pédagogiques cette activité d’écriture inventée présente-t-elle pour l’enseignant ?

3/ Quelle différenciation mettriez-vous en œuvre au sein de la classe, pour ces cinq élèves en fonction de leurs besoins ?


Mois de novembre.

Un matin, en arrivant dans la classe, les élèves constatent que Pipo, la mascotte de la classe, est très triste. Ils lui demandent pourquoi il pleure. Par la bouche de la maîtresse, il répond, en soupirant, qu’il est le seul à ne pas avoir d’étiquette de son prénom. Alors la classe décide unanimement de lui venir en aide en écrivant son nom. La consigne est la suivante :

« Sur une bande de papier que je vais distribuer à chacun de vous, vous allez essayer d’écrire le nom de « Pipo ». Je sais que vous ne savez pas encore écrire très bien, mais cela ne fait rien, ce n’est pas important. Vous écrirez comme vous savez, comme vous pensez. »

Les auteurs d’un tel sujet, donc des formateurs et/ou des responsables institutionnels « de terrain », peuvent-ils ignorer que ce qu’ils légitiment comme manières de faire exemplaires revient à détourner les futurs enseignants de tous les enjeux culturels de l’apprentissage (et, pour ceux qui ne seront pas admis, ce sont des attentes parentales qu’ils modélisent, ce qui n’est pas moins grave). Ces trois questions impliquent en effet du candidat qu’il se conforme à une idéologie qui affiche sans nuances :

 un objectif prioritaire, ici exclusif, accordé à cet enseignement : on vise, en accord avec la doxa des orthophonistes dûment calibrés, le code alphabétique sous sa forme la plus strictement phonographique – on n’imagine pas la même proposition d’écriture à partir d’une mascotte qui s’appellerait, disons, Théophile... ou Pipeau ;

 des pratiques de classe de belle facture traditionnelle : la présence de la mascotte, en grande section, contribue à maintenir fermement les élèves en enfance plutôt que de les accompagner dans leur « devenir grand » – tout le contraire de la fonction d’une école qui, bien qu’appelée maternelle, devrait être le premier maillon d’une ambition de réussite pour tous les élèves ;

 une absence totale d’intérêt pour les approches de la culture écrite : c’est, hélas, cohérent avec ce qui précède... et c’est pourquoi il faut en appeler aux soupirs et aux larmes de la mascotte pour justifier la proposition d’écriture ;

 l’inscription dans une logique de remédiations plutôt que d’apprentissages : les « besoins », la « pédagogie différenciée » évoqués par la question 3 mettent cruellement en lumière le fait qu’en absence de médiations de culture écrite en amont, les seules réponses possibles aux difficultés avérées sont des interventions « de rattrapage » en aval ; on substitue ainsi à des dispositifs fondant de véritables apprentissages des interventions à pure et simple visée corrective. L’enfant serait-il un instant considéré comme sujet impliqué dans ses apprentissages ? Non, c’est l’élève qui est vu exclusivement, considéré en toute innocence comme objet passif d’actions remédiantes.

Comment une représentation de l’apprentissage à ce point pervertie a-t-elle pu devenir la mesure des compétences théoriques d’un futur professeur des écoles ?

La marche proposée par le projet de programmes publié en juillet 2014 (seule la « version longue » devrait faire référence) était-elle donc trop haute pour être accessible ? Hélas, on vient de le voir, il ne s’agissait pas d’une marche à franchir, il s’agissait, en redonnant aux pratiques de culture écrite la place qu’elles avaient perdue – qu’elles n’avaient à dire vrai jamais vraiment trouvée – de procéder à une véritable rupture idéologique, épistémologique... politique : en d’autres termes, de s’attaquer à la Refondation de l’école. C’est à partir de ce moment, une fois prise la mesure des enjeux et des transformations radicales qui pouvaient en découler, que des voix concertantes ont commencé à faire entendre haut et fort à l’Institution qu’elles ne l’entendaient pas de cette oreille...

Règle d’or : surtout pas de vagues ! Le projet initial allait donc être radicalement réorienté. Déjà, la lecture du « Bilan de la consultation » publié sur le site du MEN ne laissait guère de doutes sur une telle intention : « Les contributions relèvent que les équipes pédagogiques ont été surprises, voire déroutées par ‘‘le manque de détails sur la conscience phonologique et sur la place insuffisante qui lui est accordée’’. Mais dans le même temps, les avis divergent sur la question. On relève ainsi dans les synthèses des commentaires qui saluent, d’une certaine manière, cette évolution des objectifs : ‘‘la conscience phonologique et l’étude des sons doivent rester un entraînement au quotidien et pas forcément une compétence à atteindre’’ quand d’autres redoutent que les acquis dans ce domaine ne régressent : ‘‘des équipes s’étonnent du peu de place consacrée à la phonologie. Attention à ce que des acquis dans la pratique de l’approche phonologique ne soient pas abandonnés’’. »(pp. 28-29). On connaît la suite. Sommée de tenir compte de cette exigence de « continuité phonologique » manifestée, on s’en doute, à grande échelle, l’Institution décidait – c’était la sagesse même – de faire rentrer les programmes dans le rang des pratiques réelles de l’école maternelle, plutôt que de s’exposer à voir des prescriptions en rupture avec les pratiques dominantes demeurer obstinément, et publiquement, lettre morte.

Pour cerner les ambitions du projet initial publié en juillet, pour comprendre aussi les conséquences des renoncements entérinés en février, on ne peut faire l’économie d’un peu d’Histoire. Dès le début des années 1990, des orientations nouvelles visent à articuler à des enjeux culturels les apprentissages de la langue, en s’appuyant notamment sur une approche riche et diversifiée de la littérature de jeunesse et des documentaires : on lit dans « La maîtrise de la langue à l’école », en 1992, cette phrase qui résume des préconisations réparties sur plusieurs chapitres : « Lorsqu’on a affaire à des enfants dont le milieu familial ou l’entourage social restent éloignés des pratiques de l’écrit, il appartient à l’école de créer les conditions pour que cette accumulation d’expériences ait lieu pour chacun » (p.45) ; pour donner matière à ce qu’on aimerait comprendre comme un réel « défi démocratique », le MEN publie successivement « 1001 livres pour les écoles » en 1996 et « Livres et apprentissages à l’école » en 1999.

Entre temps, en 1998, l’Observatoire national de la Lecture publie « Apprendre à lire », qui insiste – en donnant tous les gages d’une scientificité anglo-saxonne – sur les préalables « indispensables à l’apprentissage », la conscience phonologique et la découverte du principe alphabétique. Répercutées dans les circonscriptions le plus souvent sur le mode injonctif, ces orientations sont prises en compte d’autant plus facilement qu’elles s’accordent à des pratiques d’enseignement toujours largement appuyées sur une exigence d’économie : de la partie « école maternelle » des programmes de 2002, il est évidemment plus facile de retenir les paragraphes qui invitent à une approche décontextualisée, fragmentaire, techniciste [3], que ceux qui ont pour ambition l’émergence d’un « sujet culturel » ; ce faisant, les objectifs visant, dans ces mêmes programmes, à faire « découvrir les cultures orales » et « s’initier à la littérature de jeunesse », assez longuement développés, se voient largement laissés pour compte. Les fichiers de phonologie se répandent comme traînée de poudre, bientôt augmentés de classeurs qui eux-mêmes s’épaississent des « prêts-à-photocopier » disponibles d’un simple clic. L’idée qu’il ne peut y avoir de vrais apprentissages dans le domaine de la langue écrite qu’en faisant appel à de vrais livres, à de vraies situations de découverte de vrais textes, est perdue de vue à mesure que se multiplient les séances réduites au repérage des syllabes et des phonèmes.

Cette marche à pas forcés vers le « tout phonologique », en deçà même de son aberration méthodologique, induit des pratiques profondément ségrégatives. Des enfants dont les parents sont d’origine étrangère, qui n’entendent chez eux prononcer la langue française qu’avec des « manières » spécifiques à leurs origines linguistiques, ne peuvent sans difficultés accéder à certaines caractéristiques qui lui sont propres : consonnes sourdes/sonores de grande proximité, [s] et [z], [f] et [v], etc., comme sont proches les voyelles nasalisées [ɑ] et [ɔ], etc. Ce sont ces enfants justement qui vivent à hautes doses les mises en demeure de discrimination phonologique, jusqu’à provoquer en eux incompréhension, découragement... au point de les détourner de tout apprentissage scolaire. Or, c’est dès ces premières années qu’accéder au monde de l’écrit peut susciter des implications de la plus grande densité, à condition de rendre cet accès immédiat, en évitant le redoutable obstacle d’une hypothétique « conscience phonologique » à des enfants qui, justement, devraient être la priorité d’une école de la réussite de tous.

Ainsi opérée à grande échelle, la substitution d’une approche visant les seules stratégies « de bas niveau » à toute approche exigeante de la culture écrite ne semble poser pour l’Institution ni problème éthique, ni problème sociopolitique. Bien au contraire, au début de l’année 2006, le ministre De Robien institutionnalise une vision strictement mécaniste de l’apprentissage de la « lecture » : le MEN diffuse le DVD « Apprendre à lire », dont les séances de conscience phonologique et de découverte du principe alphabétique donnent à voir quelques belles pratiques d’aliénation des élèves – si l’on veut bien considérer que l’aliénation commence au moment où l’on fait en sorte que les enfants ne se posent pas (surtout pas) la question du sens : par exemple, des élèves conduits à « sauter les syllabes » (sic) dans des cerceaux (un document à analyser attentivement, un vrai régal de tous points de vue).

Enfin Darcos vient, qui nous délivre des dernières velléités d’investigations pédagogiques, par définition toujours génératrices d’échec : « On me dit que les programmes rédigés entre 1998 et 2002 n’avaient pas encore fait leur preuve. Comme s’il fallait encore sacrifier quelques générations scolaires de plus pour avoir l’assurance définitive de l’échec d’une certaine pensée scolaire ! Cette pensée, celle du pédagogisme, nous la connaissons bien et nous en connaissons surtout les effets. » (Conférence de presse de présentation des programmes, 21 avril 2008). Il est donc hautement souhaitable d’aller chercher dans les stéréotypes les plus sclérosés de l’idéologie transmissive/répétitive les formes quotidiennes de sa pratique d’enseignement ; au vu de l’encéphalogramme plat qui accompagne la publication puis la mise en œuvre des programmes de 2008, on peut imaginer que l’on ne s’en prive point. Tout est prêt, en toute logique, pour que la formation des maîtres puisse passer à la trappe : elle n’a plus d’utilité, peut même avoir des effets pervers là où elle s’est gangrenée de pédagogisme... Renouer avec l’École d’antan, c’est vraiment tout bénéfice : sur cinq années, on peut même réduire de près de 80 000 le nombre des enseignants.

2012. Arrive le moment de réenchanter l’École (à commencer par rétablir un nombre significatif des postes volatilisés) : c’est le projet – salutaire en l’occurrence, on veut le croire – de la Refondation. On rêve alors que les pratiques quotidiennes, dans chaque classe, portent la marque d’un souci d’intelligence... J’entends par là l’intelligence de l’élève, bien sûr : son intelligence de ce qu’il vient faire à l’école, des satisfactions qu’il peut y trouver, donc des implications qu’il peut y cristalliser ; et son intelligence du monde – à commencer, s’agissant de la langue française, par l’intelligence de ce qui en est le cœur : la construction complexe des significations grâce aux apports quotidiens de textes narratifs et informatifs de qualité, dès le plus jeune âge, et progressivement plus élaborés à mesure que passent les trimestres de cette scolarité maternelle. Un pari d’intelligence appuyé sur des médiations culturelles à la fois exigeantes et attentives à la diversité des élèves, qui conduit évidemment à des résultats sans rapport avec ceux des pratiques technicisées, ritualisées, routinières ; puisque, et c’est la première leçon que nous donnent les parents des milieux favorisés – les enseignants par exemple –, à 3 ans l’enfant peut avoir déjà construit grâce à sa seule famille bien des repères dans la culture écrite, et bien des repères dans la langue spécifique de l’écrit.

Mais – chat échaudé – on ne rêve que d’un œil... C’est l’époque où les assauts répétés contre tout ce qui ne ressemble pas à la méthode la plus exclusivement syllabique au CP envahissent à nouveau les médias : cette fois-ci sous l’autorité de Stanislas Dehaene qui, après avoir identifié « les neurones de la lecture », en tire les conséquences les plus audacieusement rétrogrades. D’où ma lettre ouverte, en juin 2014, au Président du Conseil supérieur des Programmes [4] : j’y résumais tout ce qui, dans des pratiques de classe ambitieuses, respectueuses des réelles capacités d’apprentissages des enfants entre 3 et 6 ans – en bref, conduites par des professionnels de l’éducation –, pouvait être mis en œuvre tout au long de l’école maternelle afin de transformer radicalement la question de la maîtrise de la lecture et de l’écriture au cycle des apprentissages fondamentaux.

La contre-attaque réactionnaire n’est pas le fait du seul lobby honologique/alphabétique. Pour donner toute la mesure de son audace refondatrice, le Président de la République a annoncé solennellement, dans sa conférence de presse du 5 février 2015, que l’école maternelle aurait désormais mission d’enseigner la langue française [5]. Il était en effet temps d’y penser... On ne peut imaginer qu’il ignore que les programmes de l’école maternelle accordent évidemment, depuis des décennies, la priorité à ce qu’il est convenu d’appeler la maîtrise de la langue orale [6]. Il faut donc voir autre chose dans cette annonce : la volonté d’un retour aux formes les plus archaïques des pratiques transmissives-décontextualisées-rationalisées (et dès septembre couchées une fois pour toutes sur le papier dans des « progressions »). Puisque, répètent les journalistes, les adolescents « des quartiers » ne disposent pas de plus de 500 mots, on va leur enseigner – avec audace et conviction – un mot nouveau par jour ; et, parce qu’ils ne savent guère construire une phrase, on va leur enseigner des rudiments de syntaxe en recourant – avec le même enthousiasme – aux exercices structuraux imaginés pour les langues étrangères dans les années 60. Sur le terrain, tout se met déjà en place : on ne pouvait guère promouvoir plus efficacement la régression à grande échelle. Si les décideurs se refusent obstinément à admettre que c’est dans la culture que se construit le langage, que ce n’est pas un hasard si ce sont les enfants des milieux favorisés qui « parlent comme des livres », jusqu’à quel point peut-on accepter de considérer la chose comme le fruit de simples incompétences ?

Tout est rentré dans l’ordre, et la boucle est bouclée. De Refondation, nous n’aurons que le souvenir des annonces de 2012 : à partir de la rentrée 2015, chacun pourra prendre la mesure des nouveautés que ces « nouveaux » programmes introduiront dans les pratiques quotidiennes des classes maternelles ; en cohérence avec le retour massif de l’injonction phonologique, les programmes de l‘école primaire, maintenant arrêtés, pérennisent évidemment l’idée que la grande affaire du cycle 2, c’est la maîtrise de la combinatoire. Dans les années qui viennent, les injonctions des neuroscientifiques régulièrement médiatisées imposeront sournoisement dans les représentations des parents et des enseignants le monopole absolu du dogme syllabique – si toutefois, en deçà de ce travail de sape, subsistait encore sur le terrain une faible marge de manœuvre.

Faut-il envisager de nouveaux-anciens programmes avant 2020 ? Dès 2017 peut-être ? Les voudrait-on résolument pragmatiques, c’est-à-dire explicitement réactionnaires, qu’il suffirait de leur rendre un supplément d’idéologie mécaniste dans la veine derobienne-darcosienne... ce qui, dans les faits, ne ferait que conforter des pratiques indéfiniment réitérées, jamais vraiment bousculées. Il n’y aurait donc, en ce sens, aucune urgence à réécrire des programmes : les présents, programmes de consensus, devraient assurer des années bien paisibles dans l’École de la République.

Pourtant, dans cette École, le torchon n’a jamais brûlé avec la même intensité. En janvier 2015, nous avons découvert, dans l’extrême violence, quel aurait dû être le rôle décisif de l’Institution scolaire dans la construction d’une citoyenneté responsable, et à quel point elle s’était montrée incapable de tenir ce rôle.

L’enseignement frontal de grands principes abstraits –la citoyenneté, la laïcité, les valeurs de la République – a fait la preuve de sa plus totale inadéquation ; demeure la question assez inextricable, « comment les faire comprendre aux adolescents, ou aux élèves d’une dizaine d’années », inextricable parce qu’elle est posée alors qu’il est déjà trop tard. Les faire comprendre, c’est les faire vivre dès l’école maternelle puis au cycle des apprentissages fondamentaux, durant ces quelques années pendant lesquelles tout est possible ; seules des pratiques de classe dont l’ambition est résolument culturelle peuvent dynamiser, en même temps que le désir partagé de faire, d’apprendre, de s’impliquer, des regards positifs sur les autres dans leurs propres parcours d’apprentissages. Ce qui est en jeu, c’est l’émergence de complicités culturelles, qui rendraient possible, au fil des trois années d’école maternelle, le développement du « grand cerveau collectif », selon la belle formule d’Albert Jacquard.

Ainsi, prétendre rendre des adolescents impliqués et responsables, c’est, obligatoirement, œuvrer pour que dès leur plus jeune âge – donc dès la petite section d’école maternelle – ils se construisent comme sujets culturels, dans des dimensions affectives autant que cognitives. Sur ces enjeux fondamentaux quant à la construction de la personne, de l’identité, d’une posture coopérative et efficace au sein du groupe – avec la reconnaissance accordée par les pairs en retour –, et quant au désir de savoir, désir qu’il faut évidemment nourrir afin qu’il s’enracine, s’approfondisse, se partage au fil des trimestres, je n’ai guère entendu les enseignants donner de la voix pour tenter d’infléchir les priorités des programmes. Et si cela avait été le cas, j’imagine les atermoiements des membres du Conseil supérieur de l’Éducation, qui auraient peut-être voté à l’unanimité... le rejet de telles propositions.

« Un petit dernier pour la route ! Taux de phonologie et insécurité culturelle »

[1Ces programmes font l’objet du Bulletin officiel spécial n°2, du 26 mars 2015

[2Les cinq productions d’élèves non reproduites ici sont consultables sur le site du MEN, en avril 2015 (ainsi que l’ensemble des sujets de la session 2014) à l’adresse http://www.education.gouv.fr/

[3La réduction techniciste est, pour tout enseignant qui vise la voie indirecte, la centration exclusive sur l’enseignement du code alphabétique. Bien entendu, ayant comme les lecteurs des Actes perspective la voie directe, je considère qu’il ne s’agit pas de « technicisme » mais d’une impasse méthodologique idéologiquement chargée de sens et politiquement lourde de conséquences.

[5L’argument est néanmoins inattendu : « [...] maîtrise du français dès la maternelle parce que le français, c’est essentiel pour vivre en France, pour participer à la réussite de la France. »

[6Le piquant de l’affaire, c’est qu’il y a 15 ans, Madame Ségolène Royal, alors ministre déléguée à l’enseignement scolaire, avait publié un BO hors-série (« L’école maternelle, école de tous les possibles », 21 octobre 1999) sur le thème « Les langages, priorité de l’école maternelle » et chargé les responsables institutionnels d’en assurer la promotion.